De Michael Powell et Emerich Pressburger
Avec Roger Livesey, Deborah Kerr, Anton Walbrook
Durée :2h43
Séances Jeudi 13 Septembre à 20 heures et Dimanche 16 Septembre à 18 heures aux Cinéastes
CINE-CLUB Le Mans
L'œuvre du cinéaste repose aussi sur des ruptures visuelles originales, qui introduisent les divers lieux de la narration. Ainsi à plusieurs reprises, les scènes d’intérieur de Bonjour sont suivies de plans sur la ville qui insensiblement entraînent le spectateur chez un autre personnage. Cet effet stylistique est particulièrement perceptible lorsqu’on quitte le village pour pénétrer dans l’immeuble du professeur d’anglais. Ozu introduit ce lieu en quelques plans fixes associés de manière abstraite par des rimes visuelles. C'est ainsi qu'apparaît l'approche poétique d'un cinéaste soucieux de restituer les liens entre les instants les plus infimes, les plus éphémères et les bouleversements les plus marquants. Au niveau scénaristique, c’est la bouderie des enfants qui suscite le commérage sur leur mère, les voisines sont persuadées qu'elle est à l'origine d'un tel comportement. Ozu parle de la société japonaise et surtout du rapport entre des générations qui ne parviennent plus à se comprendre. Dans Bonjour, la chronique sociale adopte le ton de la comédie, peut être parce que le fossé générationnel oppose des enfants très jeunes à leurs parents, et non des adultes à leurs grands-parents, comme c'est le cas dans le Goût du Saké. Les causes de dispute sont anodines ; elles reposent essentiellement sur la question de l'achat d'une télévision que les parents considèrent comme facteur d’imbécillité. Mais cette phobie de la télévision est autant une phobie de l’Amérique qu’une phobie de la technologie, une suspicion de colonisation technologique. Il est à ce titre intéressant de voir comment Ozu oppose les habitats traditionnels aux immeubles modernes aux couloirs sombres et aux peintures délavées. Il montre aussi un couple vivant à l’occidentale, victime des commérages de l’ensemble du village. Rien ne semble pouvoir retarder la lente mutation d’un Japon, dont même les éléments les plus traditionnels sont amenés à s’adapter, tels ces matchs de sumo retransmis à la télévision. D’où l’air résigné de la plupart des adultes de Bonjour, qui contraste avec l’énergie des enfants. Le conflit repose également sur la pertinence des traditions que les jeunes remettent en cause. Les rites de politesse ou les banalités météorologiques échangés par les adultes leur semble pure perte de temps, telle la scène finale où le professeur d’anglais, à côté de celle qu’il aime, ne parvient pas à lui parler d’autre chose que de la météo. L’effet comique du film repose sur l’obsolescence d’un mode de vie, auquel les plus jeunes, influencés par le modèle occidental, sont réfractaires. Qu'on s'en réjouisse ou qu'on s'en attriste, les enfants par leur grève de la parole vont finir par gagner la télévision de leur rêve !
Vincent Lesage