dimanche 19 décembre 2010

Les Quatre cavaliers de l'apocalypse


1961
De Vincente Minnelli
Avec Glenn Ford, Ingrid Thulin, Charles Boyer


Vincente Minnelli est un cinéaste issu du milieu du spectacle. Lors de la période classique hollywoodienne, son talent pour la mise en scène de comédies musicales lui a rapidement permis de s'imposer aux studios.
Il cherche d'abord à enthousiasmer le public en le transportant au travers de longues scènes dansées et d'intrigues de cœur d'un minimalisme réjouissant. Mais tandis que le cinéma classique évolue, il semble prendre conscience de l'aspect trop superficiel de ses films. En 1952, dans Tous en scène - première complainte de la longue agonie de la comédie musicale - il ironise déjà sur son œuvre en filmant un Fred Astaire dont les producteurs se désintéressent, persuadés que la danse n'a plus sa place au cinéma. Minnelli s'efforce cependant de prolonger le rêve ; il trouve une fin heureuse à son histoire et fait dire à l'un de ses personnages que "le monde est une scène", un espace d'évasion. En 1962, lorsqu'il tourne Les Quatre Cavaliers de L'Apocalypse, Minnelli a compris qu'une scène peut aussi bien abriter un drame qu'une comédie.

Dès la scène d'ouverture de ce film, Minnelli tire un trait sur son œuvre passée. La joie de vivre d'une famille qui danse lors d'une fête, est un répit avant la tempête. Cette longue séquence n'est plus que l'ombre des shows dansés de ses films précédents. Certes, on retrouve ces longs plans fluides qui offrent aux interprètes une plus grande liberté de mouvement et ce sens de la composition qui centre les personnages principaux afin qu'ils n'échappent jamais au regard du spectateur. Sur fond de musique argentine, l'innocence semble toujours intacte. Mais les dialogues révèlent vite un trouble qui menace l'unité familiale. Le montage saccadé accentue le battement des claquettes qui transforme la musique enjouée en tambour de guerre.
Comme symbole de la perte de l'innocence, Minnelli choisit la seconde guerre mondiale, révélatrice d'une des faces les plus sombres de l'être humain. Dans ce monde déchiré, l'harmonie du cadre se délite, les membres de la famille devenus antagonistes, se répartissent dans le cadre, laissant la place centrale - celle du clown selon Minnelli - vide. La danse n'apparaîtra plus qu'à une seule occasion ; elle sera alors davantage acte de résistance que signe de divertissement.

Mais ce qui est remarquable, c'est que Minnelli ne renonce pas à sa mise en scène statique, autrefois animée par la vivacité des danseurs. Ici les interprètes se déplacent peu, quand ils ne sont pas figés par des événements qui les écrasent, comme en témoigne le superbe plan final où le héros reste immobile alors que derrière lui l'apocalypse se prépare. Selon Minnelli, l'horreur de la guerre vient de l'impuissance de chacun à y mettre un terme. Le personnage principal se satisfait d'abord de cette impuissance ; il s'enferme dans une bulle mentale où seules ont leur place, l'art et les femmes. Mais lorsque son entourage se délite et que ses proches disparaissent, il prend conscience de sa faiblesse. Dans les longues scènes de discussion, l'échelle de plan le réduit à une simple silhouette qui s'agite dans un cadre désespérément fixe et inerte. Le spectateur comprend le désarroi de ce personnage qui semble un double du réalisateur, transposé dans une période où la joie de vivre s'avère souvent futile. Puis le personnage se résigne ; en témoigne cette scène où après avoir perdu un de ses proches il reste immobile sur un pont, dans un plan large, tournant le dos à la caméra, comme honteux de son incapacité à préserver les siens. Il est alors dans un entre-deux, ni dans l'action car incapable de lutter, ni dans l'inconscience joyeuse.




Cette sensation d'écrasement, le réalisateur l'accentue par l'apparition récurrente des quatre cavaliers de l'apocalypse, silhouettes sombres dans un ciel enflammé. Ces visions qui rythment le film, évoquent, au même titre que la rigidité de la mise en scène, l'homme en prise avec des forces qui le dépassent et l'écrasent. La tentation du déni est forte. Mais chaque tentative d'oubli de la guerre est sanctionnée par une vision cauchemardesque qui suscite l'indignation du héros et le conduit à sortir de sa neutralité. Ainsi, lorsque le personnage principal coule des jours heureux avec sa maîtresse, revient la silhouette décharnée du mari dont le corps a subi les affres de la torture nazie. Le constat amer qui s'est imposé à Minnelli s'impose alors au spectateur, l'humanité a perdu son Eden ; elle est désormais condamnée à vivre dans la tourmente et prendre parti.

Réduits à des figures immobiles et impuissantes condamnées à la destruction par des forces qui les dépassent, les personnages des Quatre Cavaliers de l'Apocalypse ressemblent aux figures tragiques d'une pièce de Shakespeare qui écrivait déjà bien avant Minnelli : "Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs".

Vincent Lesage

mardi 23 novembre 2010

Capitaine Blood de Michael Curtiz


Jeudi 25 novembre 20h & Dimanche 28 novembre 18h
aux Cinéastes




Réalisé en 1935, Capitaine Blood constitue sans doute l'un des sommets du cinéma d'aventure hollywoodien dans sa forme classique, un genre relativement décomplexé qui ne cherche pas à s'imposer comme "œuvre d'art" et assume son statut de pur divertissement. Tout dans la mise en scène a pour but de faire briller un récit rocambolesque à souhait, que se soit par la photographie somptueuse, la musique épique ou encore le jeu d'Errol Flynn dont les postures et mimiques font irrésistiblement penser au jeu baroque des acteurs de films muets hollywoodiens. Comme dans un grand nombre de films de cette période, tout est fait pour éloigner le spectateur de son quotidien. Il doit oublier qu'il est devant un écran, s'émerveiller comme face à un livre d'enfant illustré. D'où le cadrage toujours très précis qui témoigne d'un souci constant de symétrie et de lisibilité, les jeux d'ombres qui permettent de suivre l'action à plusieurs niveaux et la fluidité du montage, dont les codes de l'époque exigent qu'il soit le moins visible possible. On peut aussi évoquer le soin apporté aux scènes d'action. Dans celle du duel au sabre sur la plage, les dialogues dilatent le temps qui précède le combat et galvanisent le spectateur jusqu'à ce qu'il soit pris dans une alternance de plans courts et de plans larges destinés à le projeter au cœur de la frénésie ambiante tout en lui laissant les moyens de se situer dans l'espace.
La plupart de ces codes qui régissent l'ensemble du cinéma d'aventure hollywoodien classique, se retrouve dans les (rares) films d'aventure contemporains dont l'exemple le plus fameux et certainement la trilogie Pirates des Caraïbes. Son premier volet renvoie d'ailleurs constamment au film de Curtiz.

Mais si Capitaine Blood est intéressant aujourd'hui, c'est assurément parce qu'il est le digne représentant d'une époque où le cinéma n'avait pas peur de s'afficher comme populaire. Aujourd'hui, nombre de films que l'on a l'habitude de qualifier de "Blockbusters" (ce que fut en son temps Capitaine Blood) cherchent à se donner des allures de cinéma d'auteur. On peut penser au prétexte "socio philosophique" de Matrix ou à la réflexion sur l'union par delà les frontières du dernier volet de Pirates des Caraïbes. La plupart des réalisateurs espèrent ainsi cacher le caractère éminemment bipolaire de leurs intrigues qui se résument généralement à un conflit entre bon et méchant. Elles y perdent en lisibilité et en simplicité, cette simplicité qui faisait le charme de la grande forme hollywoodienne.
On peut se demander si cette nouvelle tendance du cinéma contemporain grand public n'est pas en partie liée aux mutations de notre société et aux doutes qui les accompagnent. Capitaine Blood, lui, rappelle l'époque où l'Amérique arborait fièrement l'esprit pionnier dont elle était issue. En témoigne la facilité avec laquelle le héros navigue et se dirige sur les mers, sans jamais perdre cette envie d'aventure. Il évoque aussi une époque de confiance à l'égard des dirigeants, une époque où des chefs audacieux étaient capables d'unifier le plus hétéroclite des équipages et le transformer en une nation à part entière, toute dévouée à une noble cause. Le scénario du film renvoie d'ailleurs sans cesse à la scène primitive de la société américaine, au mythe de sa fondation : une minorité emprisonnée parvient à se libérer de ses oppresseurs corrompus et forme une nation qui défend corps et âme sa liberté jusqu'à être reconnue par les puissances dirigeant le monde. Et ce passé n'est pas évoqué sur un ton nostalgique, contrairement à ce que l'on peut voir dans certains films qualifiés de post - classiques (les westerns de Clint Eastwood en tête), mais avec un enthousiasme débordant.




Enfin le réalisateur, Michael Curtiz, mérite d'être évoqué. Avec plus de 180 films à son actif, dont presque 80 au service de la Warner, Curtiz était de ces professionnels du cinéma tels que l'on n'en voit plus aujourd'hui, un de ses hommes dont l'ambition principale était de transporter son public. Il a touché à tous les genres avec la même maestria, le film de gangster avec Les anges aux Figures sales, le western avec Les Commancheros et bien sûr le drame sentimental avec ce qui restera pour la postérité son chef d'œuvre : Casablanca. Chaque fois, il a su mettre ses ambitions personnelles de côté pour travailler sur des films et non sur une œuvre. Tant est si bien qu'il est évidemment difficile de le qualifier d' "auteur" au sens propre du terme puisque chacun de ses films est une entité à part entière et ne constitue pas une étape dans une démarche de progrès artistique linéaire. Reconnaissons-lui tout de même un sens visuel très précis, notamment en ce qui concerne la mise en valeur des personnages par les éclairages, ainsi qu'un art de la narration incroyablement fluide qui lui permet d'étendre ses récits sur toute une vie, sans jamais lasser le spectateur. Il est à ce titre un des maîtres de l'ellipse, qu'il se plait à signifier par une multiplicité de plans en fondu enchaîné toujours plus rapide, évocation poétique d'un temps si agréable que le personnage n'a pas eu le temps de le savourer. Dans Capitaine Blood, c'est la découverte par Blood de la liberté qu'offre la piraterie, dans Les anges aux figures sales, c'est l'ascension fulgurante du personnage principal dans le banditisme et dans Casablanca, le souvenir d'une idylle passée. On peut aussi évoquer son talent pour suggérer la violence tout en évitant les effets susceptibles d'éveiller la censure. En témoigne cette scène superbe de Capitaine Blood dans laquelle à l'issue d'un duel, un pirate agonisant est progressivement recouvert par les flots, abandonné de tous ; la scène est d'autant plus terrible qu'elle apparaît déconnectée du ton enjoué du reste du récit.

Avec Capitaine Blood, Michael Curtiz a voulu offrir au public un divertissement de qualité, dans la pure tradition de ce que proposait Hollywood lorsqu'il n'avait pas honte de son surnom de "machine à rêves". Ce n'est certainement pas du cinéma d'auteur et il serait absurde d'y chercher une dimension métaphysique. Mais aujourd'hui encore, on a le droit d'aimer ce cinéma. Et si des films comme Capitaine Blood n'ont pas pris une ride, n'est ce pas parce que nous regrettons leur innocente simplicité et leur enthousiasme réjouissant?


Vincent LESAGE











mardi 19 octobre 2010

Les anges du péché de Robert Bresson

Jeudi 21 Octobre 20h & Dimanche 24 Octobre 18h
aux Cinéastes


Les anges du péché
De Robert Bresson
1943 , N&B, 73mn
Avec René Faure, Jany Hault


"Les anges du péché" peut être considéré comme le premier film de Bresson, le réalisateur ayant toujours refusé la distribution de son premier court métrage burlesque "Les affaires publiques". Il est passionnant de voir à quel point, dès ce film, Bresson a déjà une idée très claire des règles, aussi bien scénaristiques que formelles, qui régiront ses prochains films.

Plus que jamais dans sa filmographie, Bresson établit un parallélisme entre la vie carcérale et la réclusion religieuse. Quel est donc le lien entre ces modes de vie, austères l'un et l'autre, mais que l'on serait tenté de dire subi pour le premier et choisi pour le second ? Ici, Bresson brouille les cartes. Les soeurs choisissent-elles vraiment d'entrer au couvent ?
Dans une magnifique séquence du début du film, une jeune prisonnière convertie échappe dès sa sortie de prison à des proches belliqueux et menaçants, tandis qu'elle doit rejoindre au bout d'une rue embrumée digne d'un film noir, la voiture qui va la conduire vers le couvent. La vie monacale n'est-t-elle pas autant un refuge qu'une condition d'expression de la Foi ? Les prisonnières, que les soeurs de l'abbaye s'évertuent à convertir, auraient-elles une chance de retrouver une vie ordinaire ? Ne sont-elles pas condamnées à la réclusion religieuse?

Bresson renforce la confusion entre ces deux milieux par des effets stylistiques. Il multiplie les motifs carcéraux aussi bien dans l'enceinte de la prison que dans celle de l'abbaye. Si la prison paraît anxiogène du fait de ses portes à barreaux qui se referment devant la caméra à la moindre tentative d'évasion de Thérèse, la multiplication des jeux d'ombre avec les colonnes, les fenêtres, ou les rampes d'escaliers de l'abbaye, provoque sur les soeurs des quadrillages "dématérialisés", qui souligne une forme d'enfermement spirituel. Il insiste également sur le dénuement de l'abbaye, ses pierres lisses, ses cellules modestes, dénuement qui se retrouve dans la prison. L'art de l'ellipse, que Bresson affectionne particulièrement et qu'il signifie toujours par un fondu, abolit les frontières entre ces deux lieux, en passant sous silence l'espace à traverser afin de relier l'un à l'autre.
On perçoit déjà les éléments formels qui régiront ce que Bresson appellera plus tard le "cinématographe", soit un cinéma sans fioriture, où un élément visuel et sonore n'a de sens que s'il participe à l'histoire. On peut être frappé par le degré d'épure visuelle du film. L'architecture de l'abbaye et son aspect monochrome permet à Bresson d'éviter tout élément superficiel et ainsi d'atteindre l'histoire elle-même. L'épure touche aussi le montage. Chaque plan a son importance. Ainsi lors de la scène où Thérèse va acheter son arme, alors que le vendeur lui en explique le fonctionnement, la caméra ne se détourne pas du visage de la femme vengeresse, laissant le vendeur hors champ, les instructions de celui-ci semblent surgir de l'inconscient de Thérèse. En faisant l'économie d'un plan sur le vendeur, Bresson renforce la détermination d'un de ses personnages principaux.
Comme toujours chez Bresson, l'épure, n'a de sens que si elle permet à la mise en scène d'évoquer l'intériorité des personnages. Privé de fioriture, le spectateur doit se concentrer sur les personnages, dont le caractère complexe et ambigu apparaît pleinement. Anne-Marie est-elle une Sainte ? Rien n'est moins sûr. Le film semble laisser entendre qu'elle a choisi la vie religieuse afin de se démarquer dans une famille au sein de laquelle elle ne pouvait suffisamment briller. Peut-être est ce là l'origine de sa volonté de convertir la plus difficile des prisonnières, avant même de rencontrer Thérèse. L'ampleur de son sacrifice est aussi pour elle une façon de se démarquer des autres bonnes soeurs. Ce n'est que lorsqu'elle comprend que cela ne lui vaut que haine et mépris, qu'elle semble se tourner finalement vers Dieu, dans une superbe scène où elle l'implore seule sous la pluie, loin de toute vanité. N'est elle pas martyre avant d'être croyante ? On retrouve ici le dilemme qui irrigue toute l'oeuvre Bressonienne : un personnage doit il être jugé pour ses pensées, ses actes ou leur ultime aboutissement ? La valeur du sacrifice d'Anne-Marie, doit-elle être atténuée par les raisons initiales qui l'ont poussée à l'effectuer ? Le héros d' "Un condamné à mort s'est évadé" doit t-il être blâmé pour avoir un temps pensé assassiner son camarade de cellule, alors qu'in fine il lui permet de recouvrer la liberté ? Les vols du personnage de "Pickpocket" sont-ils moins répréhensibles s'ils ont, en partie, pour but d'aider sa pauvre mère?

Par sa réflexion sur la morale chrétienne, que sert un style austère visant à concentrer la perception du spectateur sur l'intériorité des personnages, Bresson pose dans ce film les bases de son cinéma. Il en intensifiera la force en tournant avec ses fameux "modèles", des acteurs non professionnels rendus atones par de multiples prises, qu'il affectionnera particulièrement pour leur capacité à ne pas trahir l'histoire par l'intention. "Les anges du péché" constitue ainsi clairement le film matrice de l'oeuvre d'un des plus grands cinéastes français.

Vincent Lesage

mardi 14 septembre 2010




THE MISFITS

De John Huston

Avec Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Eli Wallach.

Jeudi 23 Septembre - 20h

Dimanche 26 - 18h

aux Cinéastes.



Lorsque le film "The Misfits" - "Les Désaxés" en français - paraît en 1961, John Huston est un réalisateur qui jouit d'un véritable succès, tant auprès de la critique que du public, pour ses films novateurs tels que " Le Faucon Maltais", " Le trésor de la Sierra Madre" et " Quand la ville dort ". Avec "The Misfits", il s'attaque à un genre encore nouveau, le drame social, qu'il aborde avec des accents nostalgiques. L'oeuvre est un succès. Il tentera de poursuivre dans cette thématique, mais seul le film "Les gens de Dublin", recevra un accueil favorable.

L’histoire est celle de Roselyne, une jeune femme en instance de divorce, qui vit à Reno, Nevada. Tandis qu'elle retrouve une forme de liberté, elle rencontre Gay Langland, un cow-boy quinquagénaire, Guido un ex cow-boy, veuf et vétéran de la seconde guerre mondiale devenu garagiste, ainsi que Perce Howland un jeune éleveur courant les rodéos. Ces trois hommes se vantent d’être libres, exerçant leur métier sans se plier aux contraintes économiques et sociales. Roselyne se lie d’amitié avec eux tandis qu'ils tombent tous sous son charme. Mais bien vite, elle découvre qu'ils dissimulent sous leur apparente liberté, une frustration liée à un manque affectif et compensent leur mal-être par des actes violents, tel celui qui éclate dans la scène finale où ils pourchassent des chevaux afin de les vendre à un boucher.


John Huston est un cinéaste dont les films sont hantés par l’échec. "Le Faucon Maltais" est une chasse au trésor dont le trésor est faux, l’or est dispersé par le vent dans "Le trésor de la Sierra Madre" et personne ne profite du butin du braquage dans "Quand la ville dort ". Les trois protagonistes masculins des "Désaxés" échouent dans leur quête de liberté. S'ils ont échappé jusqu'ici à la pression économique, ils ne peuvent plus s'y soustraire en dépit de leur force d'inertie. La capture des chevaux pour la boucherie et non plus pour la monte, en est un symbole. De cet échec naît un sentiment de nostalgie, propre aux années 60. C'est là toute la beauté du film. Gay Langland et Guido se remémorent un temps où les hommes pouvaient vivre de la nature, Perce Howland quant à lui, vit avec l'amère déception de n'avoir hérité du ranch familial.

Témoins d'un temps où nombre d'américains sont dépassés par l'ampleur des changements qui bouleversent leur culture rurale traditionnelle, les personnages se replient sur leur passé, adoptant une posture de déni. Ils s'obstinent à conserver des traditions désormais dénuées de sens ; les moyens qu'ils mettent en oeuvre pour la capture de six chevaux sont ceux nécessaires à la capture d'un troupeau !

Au travers de cette figure emblématique du cow-boy, déclinée sous la forme de trois personnages, John Huston traduit en filigrane le doute qui saisit l'industrie cinématographique de l'époque. Les héros changent et le cinéma va lui aussi devoir s'adapter... Les archétypes du dur à cuire, du vétéran et du déshérité blessé dans son honneur, ne font plus recette. Clark Gable, Eli Wallach et Montgomery Clift, coutumiers des rôles de héros classiques du cinéma hollywoodien, semblent avoir été choisis pour incarner une dernière fois ces figures mythiques d'une Amérique conquérante. Les années 60 voient l’avènement de la télévision et d’une nouvelle forme de cinéma en phase avec les mutations économiques et sociales. Les héros ne sont plus hors de portée. « Psychose » en est un parfait exemple. Mais simultanément l'industrie Hollywoodienne s'obstine à produire péplums, westerns et romances à grand spectacle qui plaisaient tant à un public désireux de rêver.








En dépit de son apparente naïveté, Roselyne est finalement le personnage le plus lucide de cet improbable quatuor. Sa gentillesse parfois agaçante mais rassurante, permettra aux trois hommes d'accepter l'idée d'une mutation irréversible et pour deux d'entre eux de s'y adapter. D'une certaine façon, Roselyne incarne l'évolution dans la mentalité du public lassé d'être "endormi" par des films sans lien avec le contexte dans lequel il vit.

La mise en scène de Huston est très souvent minimaliste, voire naturaliste, entièrement dédiée à la présentation de personnages, sans aucune volonté de les valoriser. L'emploi du noir et blanc est judicieusement choisi pour souligner le fort ancrage dans le passé des trois hommes. A la fin toutefois, l'esthétique du film intègre un dynamisme qui n'est pas sans évoquer les films d'action (travellings vertigineux, plans aériens) dont le succès va grandissant, comme un élan vers une nouvelle vie.

Vincent Lesage.

The Misfits !


John Huston, 1960,
avec Clark Gable, Marilyn Monroe, et Montgomery Clift.

Jeudi 23 Septembre - 20h
et Dimanche 26 - 18h
aux Cinéastes.

Pour la rentrée, Les Visiteurs du Soir vous proposent le chef d'oeuvre de John Huston et du scénariste Arthur Miller, le dernier film de Marilyn Monroe, le rôle de sa vie, un western moderne, épique, et déjanté où, trois désaxés cherchent à vivre à l'écart d'un monde dont ils ne veulent pas...

jeudi 6 mai 2010

Profession : Reporter


Un film de Michelangelo Antonioni
France - Italie - 1975 - vostf
Avec Jack Nicholson, Maria Schneider.
Durée : 2h06

Jeudi 20 Mai - 20h
Dimanche 23 - 18h30

Et une question sur toutes les lèvres, à la sortie des séances : "mais comment diable ont-ils pu faire passer cette caméra à travers la grille ?!?"...
Si vous ne comprenez rien à cette question en lisant ce court message, rendez-vous aux séances de Profession:Reporter.

vendredi 26 mars 2010

My Winnipeg - Un film de Guy Maddin











Séances :

JEUDI 22 Avril - 20h
DIMANCE 25 - 18h
aux Cinéastes.

Détournement de l'exercice autobiographique, Winnipeg Mon Amour, sorti discrètement (5 copies) l'année dernière, est sans conteste l'un des films contemporains les plus originaux depuis... les précédents films du même réalisateur (The Saddest Music in the World - avec Isabella Rosselini, Des trous dans la tête)!...
Expérimentateur iconoclaste à l'humour très particulier, Guy Maddin est souvent appelé le "David Lynch canadien".

(plus d'info sur le film dans le menu des posts, à droite, posté au mois de Janvier)

vendredi 12 février 2010

and the winners are...








































Ex aequo La Soif du Mal (Orson Welles, 1958) et Profession Reporter (Antonioni, 1975), ils seront programmés au printemps 2010, selon la disponibilité des bobines.




The Misfits
(John Huston, 1960), arrivé en 3ème position, sera programmé à la rentrée, en Septembre ou en Octobre.

De beaux moments en perspective,
merci à tous,
à très bientôt.

La programmation complète du second semestre sera en ligne d'ici peu.

lundi 25 janvier 2010

Prochainement : Guy Maddin - "My Winnipeg"


Guy Maddin, réalisateur canadien né en 1956
onirique, déjanté, unique, drôle...

MY WINNIPEG - 2007 - Canada - vost - 1h19

"Winnipeg mon amour"
Winnipeg, son hiver permanent, au milieu des terres, la neige, le froid, son carrefour ferroviaire... La ville des superlatifs, selon le réalisateur : la plus froide au monde, le plus petit parc du monde, une ville où tout le monde dort, une ville somnolente, habitée par les esprits...
Le réalisateur décide d'enfin quitter cette "ville maudite". Mais avant, il doit en faire l'inventaire subjectif de tout ce qui l'a empêché, jusque là, de partir. L'inventaire s'avère complètement loufoque.
Réussira-t-il à quitter Winnipeg ?

Entre scènes de fiction tournées en noir et blanc et images d'archives réelles (vraiment?) aux frontières de l'expressionnisme, Guy Maddin réalise un objet un peu dingue, lyrique et poétique. Il détourne les codes du film documentaire autobiographique pour en faire... quelque chose d'indescriptible, juste au bord de l'auto-dérision.
Comment appelle-t-on, déjà, quelque chose qui échappe à toute forme ou fond déjà connu, tout en jouant avec ? Ah oui... Une oeuvre d'art.

Prochainement, en partenariat avec Les Cinéastes.

Bandes annonces et biographie de Guy Maddin sur le site du Centre d'art contemporain de Beaubourg,
qui lui a consacré une rétrospective en Novembre 2009,