mardi 14 septembre 2010




THE MISFITS

De John Huston

Avec Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Eli Wallach.

Jeudi 23 Septembre - 20h

Dimanche 26 - 18h

aux Cinéastes.



Lorsque le film "The Misfits" - "Les Désaxés" en français - paraît en 1961, John Huston est un réalisateur qui jouit d'un véritable succès, tant auprès de la critique que du public, pour ses films novateurs tels que " Le Faucon Maltais", " Le trésor de la Sierra Madre" et " Quand la ville dort ". Avec "The Misfits", il s'attaque à un genre encore nouveau, le drame social, qu'il aborde avec des accents nostalgiques. L'oeuvre est un succès. Il tentera de poursuivre dans cette thématique, mais seul le film "Les gens de Dublin", recevra un accueil favorable.

L’histoire est celle de Roselyne, une jeune femme en instance de divorce, qui vit à Reno, Nevada. Tandis qu'elle retrouve une forme de liberté, elle rencontre Gay Langland, un cow-boy quinquagénaire, Guido un ex cow-boy, veuf et vétéran de la seconde guerre mondiale devenu garagiste, ainsi que Perce Howland un jeune éleveur courant les rodéos. Ces trois hommes se vantent d’être libres, exerçant leur métier sans se plier aux contraintes économiques et sociales. Roselyne se lie d’amitié avec eux tandis qu'ils tombent tous sous son charme. Mais bien vite, elle découvre qu'ils dissimulent sous leur apparente liberté, une frustration liée à un manque affectif et compensent leur mal-être par des actes violents, tel celui qui éclate dans la scène finale où ils pourchassent des chevaux afin de les vendre à un boucher.


John Huston est un cinéaste dont les films sont hantés par l’échec. "Le Faucon Maltais" est une chasse au trésor dont le trésor est faux, l’or est dispersé par le vent dans "Le trésor de la Sierra Madre" et personne ne profite du butin du braquage dans "Quand la ville dort ". Les trois protagonistes masculins des "Désaxés" échouent dans leur quête de liberté. S'ils ont échappé jusqu'ici à la pression économique, ils ne peuvent plus s'y soustraire en dépit de leur force d'inertie. La capture des chevaux pour la boucherie et non plus pour la monte, en est un symbole. De cet échec naît un sentiment de nostalgie, propre aux années 60. C'est là toute la beauté du film. Gay Langland et Guido se remémorent un temps où les hommes pouvaient vivre de la nature, Perce Howland quant à lui, vit avec l'amère déception de n'avoir hérité du ranch familial.

Témoins d'un temps où nombre d'américains sont dépassés par l'ampleur des changements qui bouleversent leur culture rurale traditionnelle, les personnages se replient sur leur passé, adoptant une posture de déni. Ils s'obstinent à conserver des traditions désormais dénuées de sens ; les moyens qu'ils mettent en oeuvre pour la capture de six chevaux sont ceux nécessaires à la capture d'un troupeau !

Au travers de cette figure emblématique du cow-boy, déclinée sous la forme de trois personnages, John Huston traduit en filigrane le doute qui saisit l'industrie cinématographique de l'époque. Les héros changent et le cinéma va lui aussi devoir s'adapter... Les archétypes du dur à cuire, du vétéran et du déshérité blessé dans son honneur, ne font plus recette. Clark Gable, Eli Wallach et Montgomery Clift, coutumiers des rôles de héros classiques du cinéma hollywoodien, semblent avoir été choisis pour incarner une dernière fois ces figures mythiques d'une Amérique conquérante. Les années 60 voient l’avènement de la télévision et d’une nouvelle forme de cinéma en phase avec les mutations économiques et sociales. Les héros ne sont plus hors de portée. « Psychose » en est un parfait exemple. Mais simultanément l'industrie Hollywoodienne s'obstine à produire péplums, westerns et romances à grand spectacle qui plaisaient tant à un public désireux de rêver.








En dépit de son apparente naïveté, Roselyne est finalement le personnage le plus lucide de cet improbable quatuor. Sa gentillesse parfois agaçante mais rassurante, permettra aux trois hommes d'accepter l'idée d'une mutation irréversible et pour deux d'entre eux de s'y adapter. D'une certaine façon, Roselyne incarne l'évolution dans la mentalité du public lassé d'être "endormi" par des films sans lien avec le contexte dans lequel il vit.

La mise en scène de Huston est très souvent minimaliste, voire naturaliste, entièrement dédiée à la présentation de personnages, sans aucune volonté de les valoriser. L'emploi du noir et blanc est judicieusement choisi pour souligner le fort ancrage dans le passé des trois hommes. A la fin toutefois, l'esthétique du film intègre un dynamisme qui n'est pas sans évoquer les films d'action (travellings vertigineux, plans aériens) dont le succès va grandissant, comme un élan vers une nouvelle vie.

Vincent Lesage.

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